Madeleine Castaing
Quand j'étais enfant, en face de chez mes grands-parents, il y avait une jolie propriété genre manoir , les occupantes de l'époque, deux vieilles filles laissaient le parc ouvert et les dépendances pour que les enfants du quartier puissent y jouer, nous étions dans une petite ville et la verdure dans la rue de Montdidier il n'y en avait pas beaucoup.
Un terrain de jeu incroyable pour nous, des cachettes et des dépendances qu'il ne peut y avoir que dans les grandes maisons. Je devais avoir 8 ans, je me souviens je lisais les "Petites Filles Modèles" et je m'identifiais à Sophie à qui il arrivait toujours des choses extraordinaires dans une belle maison.
je pense que le goût des belles maisons a commencé par celle-ci. Je disais à ma grand-mère : quand je serai grande j'achèterai cette maison.
Un jour, elle m'a répondu, tu sais quand j'étais petite, j'avais une amie de mon âge "Madeleine" qui passait souvent devant une belle maison abandonnée avec un jardin aux herbes folles ; Comme toi, elle en était tombée amoureuse et elle s'était jurée qu'un jour elle lui appartiendrait. Quand elle a eu 15 ans, elle a rencontré son futur mari "Marcellin Castaing" qui avait 20 ans de plus qu'elle et qui était riche. Quelques années après son mariage, elle a voulu lui montrer cette maison qui l'avait tellement fait rêver. Celle-ci était toujours à l'abandon. Pour lui faire plaisir il l'a achetée. Alors vois-tu ce qu'il te restera à faire : trouver un mari riche.
à Lèves près de Chartres
C'était dans les années 1920, Marcellin et Madeleine la gardèrent jusqu'à la guerre. Pour des raisons financières ils la revendire, ce jour là, Madeleine en a beaucoup voulu à son mari et a décidé à son tour de travailler pour un jour la racheter, ce qu'elle a pu faire quelques années après la guerre. L'histoire pourrait s'arrêter là. Ma grand-mère a perdu de vue son amie après son mariage et n'a jamais su qui elle était devenue.
Parmi mes très jolis livres de déco j'en ai un "l'Esprit des lieux" ou l'on peut découvrir de jolis intérieurs de personnes célèbres. A la dernière présentation, je tombe sur celle de la plus grande décoratrice de la seconde partie du xxème siècle à la fois antiquaire, collectionneuse, mais d'une excentricité incroyable.
jolie femme me direz-vous, eh ! bien après quelques recherches suite à l'histoire que l'on racontait au début de la présentation j'étais à peu près certaine qu'elle était l'amie d'enfance de ma grand-mère. J'ai voulu en savoir plus j'ai acheté sa biographie et je l'ai dévoré en un dimanche, je vous assure je me suis régalée et bien amusée. La femme célèbre qu'elle était devenue s'appelait :
un personnage à elle toute seule à la foi fantasque et romanesque. Elle a été à l'origine de la première boutique de déco en France. Dès 1942, elle crée des mises en scène comme dans sa maison, la boutique dans laquelle elle vit ce n'est qu'un simple lieu où sont entassé des objets tout y est organisé poétiquement, de façon à ce que le mélange des genres et des époques parvienne à faire vibrer l'atmosphère.
son nom est associé au bleu turquoise, aux rayures bayadères (du reste les tissus et motifs "Castaing" sont encore édités de nos jours) aux sièges gaînées de léopard et aux moquettes parsemées de lierre.
Dans le grand salon rond de Lèves, une borne Napoléon III est posée sur une moquette à motifs panthère.
Amis des plus grands Picasso, Satie, André Malraux, Sagan et j'en passe. Son mari "l'amour de sa vie" Marcellin et Elle ont aidé Chaïm Soutine et ont contribué à sa célébrité. Un portrait de Madeleine en 1929 peint par Soutine.
Malgré toutes ses excentricités, c'était une femme de lettres, très cultivée ; elle recevait dans sa boutique (sa dernière boutique : rue Jacob, maintenant Salon de Thé Ladurée) autour d'un thé et pouvait parler de littérature pendant des heures.
Elle était connue avant la guerre de 1939 et jusqu'au décès de son mari par ses chapeaux tous plus extravagants les uns des autres. Ensuite la peur du ridicule ne la touchant absolument pas, elle portait des perruques tenues par un élastique sous le menton et elle reproduisait ses cils avec un pinceaux sous ses yeux, mais néanmoins élégante femme qui portait les plus grandes marques.
Dans un langage moderne, nous pourrions l'appeler "une déjantée" , mais je ne me permettrai pas car sous ses aspects différents des grandes dames du monde, elle a osé vivre la vie qu'elle s'était choisie à une époque ou le paraître avait une importance primordiale. Malgré tout, elle a été très respectée dans le monde de la décoration d'intérieur. Elle est décédée en 1992 à l'âge de 98 ans. Jusqu'à la fin de sa vie Madeleine disait : "l'important c'est que je m'aime ; les critiques des autres je m'en fous."
Conclusion :
Il faut toute sa vie avoir de l'ambition et aller jusqu'au bout de ses envies.
Pour la petite histoire, je n'ai jamais pu acheter la jolie maison de mon enfance, mais j'avoue avoir essayé dans les années 1980, mais elle n'était pas à vendre.