Meubles et objets ont une histoire, sachez les faire parler.
Aujourd'hui, je vais faire parler meubles et objets qui m'entourent. Vous le savez, beaucoup d'entre eux appartenaient à différents membres de ma famille et certains font l'objet d'un souvenir particulier. C'est aussi pour cela que je les aime tant.
J'ai environ 5 ans, à côté du jardin de mes grands parents se trouve une jolie petite maison, occupée par une vieille dame que j'appelle "Mély". Elle vit seule et ses enfants habitent une ville voisine, ils ne viennent que le dimanche. Ils ont chargé ma grand-mère de surveiller chaque matin les volets de la maison de leur maman pour voir s'il n'y a pas eu de problèmes la nuit. Chaque matin, ma grand-mère m'envoie dire bonjour à Mély. Je frappe à sa porte, j'entre et avec le naturel et la candeur de la petite fille que je suis, je crie : "Bonjour Mély, je viens voir si tu n'es pas morte !". En souvenir de ces moments délicieux de mon enfance "Irène, sa fille" m'a offert quand je me suis mariée un service à dessert assez banal, mais tellement riche à mes yeux. A chaque fois que je regarde ces assiettes, c'est à Mély que je pense.
Vers 1930, mon grand-père fait ses factures sur cette étrange machine à écrire "Mignon", elle a toujours été sur son bureau. Dans les années 1950, c'est moi qui joue avec, c'est très amusant pour la petite fille que je suis. Elle n'a pas de clavier, on déplace manuellement un stylet sur un alphabet numérique relié à un cylindre et l'on clique sur une touche, la lettre voulue tape sur le ruban et s'imprime sur la feuille de papier. Je suis certaine que ma vocation de secrétaire me vient de cette machine.
Une autre machine à écrire est à l'honneur dans une autre pièce de la maison.
Mes grands-parents louent quelques chambres chaque année aux saisonniers de la campagne sucrière du nord de la France. Quand le 1er janvier, les chauffeurs repartent ; en payant leur chambre, ils n'oublient pas de laisser un petit billet pour "la petite". Pas question de le dépenser. Ma grand-mère le met sur mon livret. Au fil des années ces petits billets se multiplient. A 16 ans, je souhaite m'acheter une machine à écrire. Mon cousin Paul complète la somme et se la procure d'occasion à la secrétaire du Général de Gaule. Cette magnifique "Royal de luxe" sert depuis des années à taper toute la correspondance du Général quand il est en déplacement. Impressionnant quand même.
Ce fauteuil Voltaire offert à mes grands parents en 1917 pour leur mariage, par l'oncle tapissier de Bordeaux, je ne l'ai jamais vu autrement qu'éventré et servant pour la chatte quand elle a ses petits. La première chose que je fais quand on me le donne avec son semblable, c'est de le faire refaire. Depuis plus de cinquante ans tous les deux ont été refaits plusieurs fois au gré de mes goûts et de mes intérieurs.
Ma grand-mère, n'est pas coquette ; elle ne se met sur le visage qu'une crème de jour et rien d'autre, sauf qu'elle n'oublie jamais de se parfumer. Quand j'hérite de sa chambre à coucher, je trouve ce flacon à moitié rempli " Soir de Paris" de chez Bourgeois. Dans ma maison, je reconstitue sa chambre à coucher avec ses meubles et je n'oublie pas de faire, trôner sur la coiffeuse son eau de cologne préférée avec quelques objets qui lui sont personnels.
Il est difficile de faire comprendre à nos jeunes enfants, que quand j'étais petite, la télévision et les ordinateurs n'existent pas. Il faut occuper nos soirées d'hiver autrement. Grand-père joue de la mandoline. Son beau-frère italien, lui offre celle-ci. Je ne sais pas pourquoi, il ne l'aime pas. Il préfère celle qu'il se fabrique dans de vieux bidons laissés par les allemands en 1945.
Maman, habite Paris, elle vient voir mes grands-parents régulièrement, à chaque fois elle apporte des partitions des chansons modernes de l'époque, pour que grand-père s'entraine avec sa mandoline et pour que grand-mère l'accompagne. Alors je peux vous dire, que Petit papa Noël de Tino Rossi, Étoile des Neiges, Les escaliers de la butte de Cora Vaucaire bercent mes jeunes années.
Il y a aussi, ce vieux poste de radio à lampes, où chaque soir, la famille assise autour de la table de la cuisine, écoute le célèbre feuilleton : "La famille Duraton". C'est certainement pour cela que j'aime toujours autant les feuilletons télévisés.
Dans l'atelier de ferronnerie de grand-père, il y a une comtoise. Elle appartient à son beau-père qui la reçoit à son mariage en 1894. A la fin de sa vie quand il revient vivre chez sa fille et son gendre, celle-ci, atterrît dans l'atelier, près de la forge, tantôt à la chaleur, tantôt à l'humidité, ce qui ne lui fait pas de bien ; sa carcasse en pin s'abîme beaucoup ; néanmoins plus tard, elle orne et elle fonctionne dans mes différentes salle à manger, jusqu'au jour ou trop abîmée, elle prend place sur le secrétaire du palier. Chaque jour, quand je sors de ma salle de bains , je lui jette un coup d'oeil et je regrette qu'elle se soit arrêter définitivement.
Dans la chambre de mes grands-parents, il y a un coffre-fort. Souvent ma grand-mère l'ouvre devant moi, pour me faire admirer sa jolie montre en or qu'elle a reçue pour ses 20 ans et dont elle ne se sert plus depuis bien longtemps. Il y a également son collier d'ambre que j'ai toujours et que je mets encore. Dans un coffre en bois fleuri venant de Nice, protégés dans une pochette en cuir, trois louis d'or de l'époque de Napoléon III précieusement conservés pour que je les transmettre à mes enfants. Ma grand-mère m'a toujours appris qu'il fallait savoir transmettre certains objets pour qu'ils restent dans les familles et qu'ils fassent revivre ceux qui les ont possédés.
Je suis certaine que vous allez être étonnés, que toute ma vie j'ai gardé précieusement ces objets. "Il y a de tout dans nos vastes magasins !"
Alors voyez-vous à travers ces objets, je vous ai raconté leur histoire. Ne croyez pas que je ne vis qu'avec le passé. Non j'aime, le passé, le présent et l'avenir. Dans chaque époque on peut tirer des leçons sans avoir à dire : "C'était mieux avant". En revanche, je suis très attachée aux différents patrimoines, qu'il soit aussi bien matériel, que culturel.