La dynastie
Aujourd’hui, je vais vous parler d’une dynastie provinciale. Bien souvent on pense qu’à notre époque il n'y en a plus, ou chez les riches. Moi, j’en connais une, qui depuis 100 ans s’évertue à exister avec l’esprit de « clan » même profession de père en fils et filles et surtout même lieu d’habitation. A l'évocation du mot dynastie, on pense tout de suite à celles des feuilletons américains.
Il y a quelque temps,, je faisais la queue aux caisses dans une grande surface. Je n’avais pas fait attention aux personnes qui attendaient derrière moi. J’entends une voie dire : ah ! c’est Edith. Je me retourne, Je remarque une dame élégante accompagnée d’un jeune homme, ils me semblent tous les deux inconnus, je me retourne et je lui dis : « on se connaît ». Mais oui, tu ne te souviens pas de moi ?, je suis Marie-France, la fille de Maître B... Ben non ! je ne l’avais pas reconnue. Il faut dire que la dernière fois que nous nous étions vues nous avions 18 ans. Moi, je venais de quitter la pension et Elle, commençait ses études pour devenir notaire. C’est la seconde fois qu’une personne me reconnaît dans un super marché. Alors, dites-moi vraiment je n’ai pas changé ? j’avoue que je m’interroge.
En l’espace de quelques secondes, je me suis retrouvée dans mon enfance. L’étude de son père et de son grand-père et même de son arrière grand-père m’est revenue à la mémoire. Cette étude était celle de mes grands-parents, de mes arrières grands-parents et a été la mienne pendant longtemps. J’ai même travaillé ponctuellement pour eux quand je faisais des recherches généalogiques. Enfant, nous nous sommes côtoyées car mon grand-père ferronnier d’art, travaillait souvent pour sa famille. Dans les années 1950, la mode était revenue au fer forgé. Il nous arrivait donc d’aller l’une chez l’autre. Ensuite, nous nous sommes perdues de vue car nos chemins se sont séparés. Nos vies n’étaient pas les mêmes. Mon avenir n’était pas tracé, mais le sien l’était.
Quelques semaines après cette rencontre, nous sommes allés déjeuner chez elle lors d’une virée dans le Nord. Et là, pas de grandes surprises, tout semblait être resté à la même place. La propriété avait été construite dans les années 1920 par son aïeul. La maison familiale trônait au milieu d’un immense parc et l’entrée n’était pas la même que celle de l'étude. Celle-ci, se faisait par une rue différente, à l’autre bout du parc, une autre rue donnait sur l’autre entrée. Mon grand-père disait toujours, Maître B. a su marier l’utile et l’agréable », deux maisons bourgeoises bien distinctes et bien séparées l’une de l’autre, mais aux mêmes aspect. Je ne suis pas souvent rentrée par l’entrée principale. Enfant, je me souviens, quand nous allions dans cette petite ville de province, nous aimions aller nous promener dans ce quartier, car il était celui « aux belles maisons » en un mot celui des notables de la ville. Toutes les maisons environnantes avaient autant d’allure que celle de Marie-France.
Quand j’étais adolescente, le rez-de-chaussée était habité par ses grands-parents et son arrière grand-père, les deux premiers notaires de la famille. Marie-France et son petit frère Henri, occupaient le premier étage avec leurs parents. Elle ressemblait à celle-ci que j'ai prise sur Internet.
l'entrée de l'étude ressemblait à celle-ci.
Elle m’a raconté, quand elle est, elle-même devenue Notaire, ses parents lui ont fait aménager l’appartement au-dessus de l’Etude. Elle s’est mariée avec le premier clerc de son père et ils n’eurent qu’une seule fille qui a embrassé la même profession et ils ont habités dans cet appartement jusqu’au décès des grands-parents. Et la hiérarchie a continué dans la grande maison. L’appartement de l’Etude est resté inoccupé pendant plusieurs années, jusqu’à ce que son frère se marie, mais très vite, il a fait construire une grande maison dans un autre endroit du parc, car très vite sa famille s’est agrandie.
Les époux et épouses souvent venant de la même profession se sont associés.
Les affaires de cette étude provinciale ont beaucoup progressées. Au fil des années, ils ont racheté d’autres études des environs et se sont partagés le travail, mais ils ont toujours vécus groupés dans la maison familiale et ses annexes. En 2014, La relève est assurée. Sa petite fille « Caroline » vient de terminer son notariat et deux de ses neveux Vincent et Charles sont sur le même chemin. Jusqu’à présent tout le monde a réussi à continuer à habiter dans le même environnement. Caroline vient d'emménager dans un studio, toujours sur la propriété.
J’avoue que son histoire m’a laissé dubitative. C’est presque parfait, je n’ai pas pu m’empêcher de lui demander comment se déroulait cette cohabitation depuis sa création ? D’après Elle, pas plus mal qu’ailleurs. Personne ne se marche sur les pieds, la propriété est assez grande pour que chacun puisse avoir son intimité. Deux règles imposées par l’arrière grand-père et qui ne semblent n’avoir jamais été transgressées ou très occasionnellement :
1) Une fois que l’Etude est fermée, personne ne doit parler de travail à la maison, ni dans les réunions familiales. Cette règle a toujours été préservée et tenue, c’est arrivé qu’il y ait eu une ou deux fois un dérapage mais très vite la conversation a pris fin et s’est continuée ailleurs que sous le toit familial.
2) Au travail personne ne doit faire ressentir qu’il est de la même famille et doit faire son travail comme s’il travaillait ailleurs. Et surtout pas de passe droit. Pour la petite anecdote, il parait qu’à chaque fois qu’un jeune rentre dans le système, il essaie d’enfreindre les règles mais bien vite il a compris les règles ancestrales de la maison. Régulièrement il y a des réunions qui déterminent qui fait quoi et le partage des affaires est respecté. Quand l’un à un problème particulier il en parle aux autres pendant ces réunions et tout le monde essaie de l’aider.
Chapeau tout ça parait idyllique et cela donne l’envie d’un bonheur familial comme celui là. C’est le rêve quand même et le plus beau dans l’histoire c’est que les conjoints sont bien rentrés dans le moule.
Marie-France me disait aussi qu'en dehors du bureau, tout le monde fait ce qu’il veut et ils se reçoivent comme dans toutes les familles, ils gèrent tous ensemble la propriété qui a été mise en société civile familiale.
Quand je suis repartie, j’ai continué à me poser des questions, mais néanmoins j’en suis restée admirative. C’est vraiment un idéal parfait ! Une dynastie, une castre, un clan cela peut encore exister au XXIème siècle la preuve que oui, mais pour combien de temps ?
les photos sauf une ont été prises sur Internet.