Souvenir d’enfance : Le Chemin des Dames.
Aujourd’hui, petit retour sur mon enfance : Une balade en 2 CV dans les années 1950.
J’ai 8 ans environ. J’habite chez mes grands-parents dans l’Oise à Saint Just en Chaussée. C’est la partie de mon enfance ou je suis heureuse.
Ma grand-mère, est une femme au grand cœur, discrète, aimante, soumise.
Mon grand-père, affectueux, intelligent, connaissant beaucoup de choses, mais très soupe au lait et marqué par la guerre de 1914. Il en parle tout le temps. Contrairement à d’autres qui restent silencieux sur ce sujet. Lui a besoin d’en parler. Je peux dire que mon enfance est bercée par ce douloureux évènement qui a tant endeuillé la France au début du XXème siecle.
Mes grands-parents n’ont eu qu’un enfant ma mère. Mais ils se sont beaucoup occupés de leur neveu Paul, le fils de la sœur de grand-père et ils sont restés toute leur vie très attachés à lui. Pour mon grand-père, c’est le fils qu’il n’a jamais eu. Délaissé par ses parents trop souvent absents il en a beaucoup souffert. A vingt ans, il est comptable dans une grande société et tombe en amour pour une secrétaire de 30 ans sont aînée. Pas du tout dans la « normalité » de l’époque. Marguerite sait se faire une place dans sa nouvelle vie, elle est aimée par la plupart des gens de la famille, elle est très intelligente, le cœur sur la main. Mes grands-parents l’ont beaucoup appréciée et moi je l’ai beaucoup aimée ; je garde d’Elle un souvenir d’une femme gentille qui aime partager et m’a beaucoup appris. Ils se marient en 1942 et n’auront pas d’enfants, mais ils auront une vie heureuse pendant 32 ans, très soudés l’un à l’autre, partageant les mêmes goûts.
Ils voyagent beaucoup à travers la France ; au début avec une moto et dans les années 1950, ils achètent une 2 CV première génération. Inutile de vous dire que pour cette voiture mythique, le confort n’est pas la première de ses qualités. On la nomme même : la boîte à sardines. A l’avant le tableau de bord est simple, les deux sièges aux armatures en fer et à la toile sont peu confortables pour les passagers. A l’arrière une banquette deux places de la même structure que les sièges de devant. Il n’est pas envisageable d’y mettre trois personnes. Le tout est recouvert d’une capote imperméable mais l’été très souvent roulée et mise en fonction décapotable pour mieux profiter de la nature et des petits oiseaux.
Paul et Marguerite sont très fiers de leur acquisition. Ils viennent à St Just la montrer à toute la famille. Grand-père l’inspecte sur toutes ses coutures et la trouve bien légère : lui qui a possédé plusieurs voitures avant la guerre, beaucoup plus confortables et aux allures plus sérieuses. Il reste dubitatif en la découvrant. Paul a la bonne idée de lui dire : je vous invite un dimanche de printemps à faire une grande balade pour que vous puissiez vous faire une idée. Mon oncle, où veux tu aller ?
Grand-père a répondu aussitôt. Tu sais ce qui me ferait plaisir : c’est de revoir le Chemin des Dames, celui dont je parle si souvent. D’ici il y a environ 200 kilomètres à peine ! Si nous partons le matin, nous aurons une pleine journée de découverte et pour moi, ce sera un beau pèlerinage sur le lieu de mes vacances forcées ! Ni une ni deux, ils décident tous que le jour de la Pentecôte est l’idéal.
Le jour arrive. Tout le monde est prêt à l’heure convenue. Grand-père assis à côté du chauffeur, règne en prince. Pendant tout le trajet il nous raconte inlassablement ce qu’il a vécu là bas. Quant à moi, bien calée sur un oreiller en plume, entre ma grand-mère et Marguerite deux femmes de bonne corpulence, je n’ai pas beaucoup de manœuvre pour bouger quand la barre de fer commence à me faire mal aux fesses. Le lendemain, mon postérieur s’en souviendra.
Pour rafraîchir la mémoire de tous. Revenons un peu sur le Chemin des Dames. Pourquoi s’appelle-t-il comme cela, où se trouve-t-il et pourquoi est-il si célèbre ? C’est en Picardie que nous le trouvons, sur la départementale 18 CD dans le département de l’Aisne, entre Laon, Soisson et Reims. Il doit son nom au chemin surplombant la vallée de l’Aisne que les filles de Louis XV « Adélaïde et Victoire » Dames de France, empruntaient pour aller rende visite à leur gouvernante au château de la Bôve près de Vauclair, ce chemin avait été empierré à cette occasion. Et malheureusement il est devenu célèbre pour avoir été le théâtre de plusieurs batailles meurtrières de la première guerre mondiale.
Notre premier arrêt eut lieu à Liesse, pour assister à la messe et visiter la basilique, construite au 11 et 12ème siècle, dédiée à Notre Dame et représentée par une superbe vierge noire en référence à la fille du Sultan du Caire El-Afdhal, qui s’est converti à la religion catholique après avoir sauvé la vie de chevaliers français pendant les croisades,. Ce lieu devient lieu de pèlerinage. Louis XIII et Anne d’Autriche y viennent souvent pour implorer la vierge noire afin qu’elle leur envoie un héritier le futur Louis XIV.
Paul est un amateur d’art, d’histoire de la France. C’est à lui que je dois mon amour pour les châteaux. l’architecture, les vieilles pierres et la photographie ainsi que tant d’autres choses ; car n’ayant pas d’enfants, sa femme et lui me font découvrir tous les endroits historiques de la Picardie. Ils aiment également s’arrêter dans de bons restaurants, dans toutes ses voitures par la suite il y a toujours un guide touristique et le guide Michelin pour les étapes gourmandes. Ce jour là, il est fier aussi de faire découvrir à son oncle et à sa tante un gastronomique de l’époque.
le premier château qu'il me fait découvrir celui de Compiègne
L’après-midi ce sera sur les lieux de batailles que nous arpenterons en essayant de retrouver le moindre indice laissé par cette ignoble guerre. Une belle journée bien remplie, dont je me souviens encore 67 ans après. Même si pour moi le voyage était loin d’être confortable, il restera un souvenir précieux à ma mémoire.
Avec mes grands-parents, Paul et Marguerite sont les seuls de mon enfance qui ont compté autant pour moi.
Doux instants. Un dimanche après-midi musique et diaporama
Mes parents - Mes grands-parents - Marguerite et sa belle mère.