Dans quelques jours, l'appartement ne sera plus à nous.
Cela n'a pas été facile de prendre cette décision après 20 années passées à Pralognan la Vanoise.
Pralognan, pour moi, c'est une très longue histoire. Ou le destin a voulu que ce village savoyard au bout de nulle part, soit le témoin de 20 ans d’un bonheur familial, partagé avec toute notre famille. Malheureusement la roue tourne très, très vite. Je vais vous en raconter l’histoire.
Enfant, je n’avais jamais été à la montagne. C’est dans les années 1960, que je découvre avec mes parents, d’abord les Pyrénées. Rien à voir avec les Alpes, que je découvrirai pour la première fois lors d’un long week-end avec un groupe d’une association Saint Justoise. J’avais 18 ans et j’ai gardé en mémoire au plus profond de moi, la beauté des Alpes majestueuses et j’ai su qu’un jour je reviendrai.
J’ai toujours aimé la campagne, mais la montagne c’est autre chose. Je n’aime pas trop les régions sans relief. Il me faut des collines, des monts, des routes sinueuses et de la verdure.
Pralognan la Vanoise, a marqué un virage important dans ma vie. C’est lors d’une escapade amoureuse en avril 1974. que le destin a fixé irrévocablement mon changement de cap ainsi que tout ce qui en a suivi après. Je ne le savais pas encore, mais ce voyage imprévu se soldera à la fin de l’année, par l’arrivée de ma troisième Princesse.
La personne qui m’accompagnait était venue passer ses dernières vacances d’été dans ce petit village, où il n’y avait pas encore beaucoup d’immeubles. Comme moi, il ne connaissait pas la montagne l’hiver. Il avait passé son enfance au bord de la méditerranée.
Pralognan se trouve au pied du Parc de la Vanoise à 1.450 m d’altitude. L’été, c’est la porte ouverte vers les sommets les plus hauts de Savoie. De nombreux sentiers sont aménagés pour les amoureux de la nature. La faune et la flore y est protégée. C’est un endroit unique pour les amoureux de grands espaces. A cette époque, le village était encore peu étendu. Depuis plus de 150 ans, c’est une station d’alpinisme puis de sport d’hiver réputée pour les familles. Elle a su garder au fil des années, son esprit familial. Aucun grand immeuble ne défigure les alentours. C’est devenu, une station réputée très agréable, entourée de hauts massifs comme la Grande Casse, l'aiguille de la Vanoise et plusieurs glaciers, Dès que nous arrivons dans le village, on ne peut qu’être ravie d’y déposer ses bagages, car on ne peut pas aller plus loin.
La pension de famille où nous avons déposé les nôtres, était à l’époque un peu à l’écart du centre, tout en y étant à 5 minutes à pied. Il n’y avait pas encore tous ces chalets construits, reliant, plusieurs hameaux les uns aux autres. Elle se nommait : le Parisien. Derrière elle, deux immeubles de 2 et 4 étages étaient en construction : Le Petit Marchet et le Grand Marchet. Beaucoup d’immeubles et de chalets prennent souvent le nom des sommets environnants. Pendant trois jours, nous avons découvert ce paradis sur terre. Nous emprunterons la première remontée mécanique de Savoie encore en service. En 1974, elle avait seulement 20 ans ! Elle nous propulsera en quelques minutes au Mont Bochor, à 2.010 m d’altitude et delà, nous découvrirons un spectacle naturel magnifique.
Ainsi va la vie. Parfois, elle nous réserve de sacrées surprises. Trente ans après, je reviendrai tout à fait par hasard, dans ce village que je n’avais jamais oublié. Je venais de me remarier avec petit mari, cette année là, sa fille travaillait dans une administration parisienne, elle avait eu l’opportunité de réserver une semaine à la montagne dans un établissement proposé par son comité d’entreprise et elle nous avait invités. Le matin, son compagnon et elle, accompagnés de mon mari allaient skier. Quant à moi les joies de la montagne, se limitaient aux belles balades que nous pourrions y faire, respirer l’air pur, admirer les paysages grandioses et faire de belles photos. N’étant pas une grande sportive, le ski ne m’a jamais tenté.
Depuis un moment, j’envisageais d’acheter une résidence secondaire. Petit mari adore la montagne, tout autant que moi. Alors pourquoi pas dans ce village sympathique ? Un matin, j’ai décidé de visiter l’agence immobilière de l’endroit. Dans mes rêves, je nous voyais dans un joli chalet au pied d’un lac ! Il n’y a pas de lac à Pralognan, mais il y a de beaux chalets qui n’étaient pas compatibles avec ma bourse. Alors, un appartement fera l’affaire.
Après avoir éliminé une partie de mes rêves. Valérie (l’agent immobilier), m’emmène visiter un bel appartement dans une résidence de deux étages, elle me dit tout de suite : « ne vous fiez pas à l’apparence extérieure du bâtiment des années 1970, soit, il est quelconque mais la surface habitable est géniale » pas de loi carré, deux beaux grands balcons, beaucoup de clarté, deux vrais chambres et il est meublé avec goût (car à la montagne, souvent la vente se fait avec les meubles.) Je suis certaine que vous allez tomber sous le charme. Donc en avant pour la première et seule visite de l’improbable rêve de ma vie.
Ah ! Oui, l’immeuble est quelconque, je confirme ; mais il est caché entre de hauts sapins. Le hall d’entrée est spacieux, propre et garni de casiers à skis, pour chaque propriétaire avec la boite aux lettres incorporée. Un ensemble homogène pas désagréable à regarder. Au premier étage 3 portes, deux renferment un appartement, deux F3 et un F2. Nous entrons dans celui qui deviendra le nôtre. Aussitôt j’ai eu le coup de foudre. Un séjour spacieux avec le mur du pignon recouvert de bois verni. Ouvert sur un grand balcon entouré, de hautes montagnes enneigées. Une toute petite cuisine, une belle salle de bains et deux chambres habillées entièrement de bois aux couleurs chaleureuses. Le sol entièrement carrelé sauf les chambres moquettées qui donnent sur un balcon avec une vue différente. Et cerise sur le gâteau au sous-sol une cave aménagée comme toutes les autres, en chambre avec un vasistas, meublée de 3 lits d’une personne superposés et entourées de deux penderies et de 8 tiroirs. Un ensemble en bois clair très bien conçu.
Quand nous sommes remontés dans l’appartement Valérie m’a dit, je vous confie les clefs, venez cet après-midi le visiter avec votre mari et sa famille et vous prendrez votre décision en me rapportant les clefs. Au fond de moi, ma décision était déjà prise. En retournant à l’agence, je me suis aperçue que ces deux petits immeubles étaient ceux qui étaient en construction derrière la pension de famille où j’étais venue 29 ans auparavant ! C’est une coïncidence quand même ! Et un signe, non ! Alors le sort était jeté.
J’achèterai donc cet appartement, pour qu’il devienne un lieu où la famille et les amis viendront se ressourcer pendant de nombreuses années. Les propriétaires qui vendaient ce bien, l’avaient acheté lors de sa construction. C’était un couple aisé qui avait l’âge que nous avons maintenant. Ils en avaient beaucoup profité, d’abord avec leurs enfants, ensuite avec leurs petits enfants. Le grand âge arrivant, ils y venaient de moins en moins et préféraient leur résidence principale en Vallée de Chevreuse dans une petite ville très agréable. Pour eux, il était temps de passer le flambeau.
Quand nous avons emménagé, nous habitions encore la Picardie. Petit mari était déjà en retraite anticipée. Nous allions pouvoir en profiter régulièrement 2 mois l’été, 3 mois l’hiver. Nous étions encore en pleine forme ; que de belles balades allions nous faire ! C’est exactement ce qu’il s’est passé, quelques années plus tard, nous nous sommes rapproché en venant habiter dans un département limitrophe. Ma princesse conçue à Pralognan a acheté l’appartement mitoyen. Petit à petit je changeais la décoration. Très vite j’ai remplacé la salle à manger qui ne me plaisait pas par une autre à l’esprit « montagne ». Chaque année, je jouais avec plaisir à la décoratrice d’intérieur et j’aimais beaucoup ; j’ai adoré rendre cet endroit de plus en plus agréable. Les dernières transformations ont eu lieu l’hiver dernier.
Malheureusement cette année les charges trimestrielles ont énormément augmentées d’un seul coup, 35% ce n’est pas rien. Il allait falloir réfléchir sérieusement et penser à vendre. Nous y allions de moins en moins, mais la décision définitive était encore difficile à prendre. Il a fallu un évènement familial grave, qui a bouleversé ma vie pour que je saute le pas. Très vite un acquéreur s’est fait connaître et le 15 janvier prochain, nous partirons définitivement de ce bel endroit. Heureusement, il nous restera que de bons et beaux souvenirs et des centaines de photos.
Voilà, les cartons sont partis. Marc contemple une dernière fois "ses" montagnes
Inutile de dire, que la préparation des cartons n’a pas été simple. Il n’est jamais facile de tourner un chapitre de sa vie et encore moins quand celui-ci a été heureux, mais il est devenu obligatoire. J’ai 80 ans et je n’ai plus la même énergie, je sors moins l’hiver, le parking gelé, est souvent dangereux et nous connaissons toutes les balades simples, nous n’avons plus rien à découvrir. Il faut savoir tourner la page quand il en est encore temps.
L'appartement est prêt à accueillir une autre famille.
Les cartons sont de retour dans la grande maison. Chaque jour, je réintègre les objets courant avec ceux d’ici. J’ai pris comme objectif, d’en déballer 3 ou 4 par jour et de ranger le contenu. Aller à la recyclerie donner tout ce qui ne me servira plus. Plusieurs tenues de ski vintage pour certaines, de nombreuses paires de chaussures de montagne, laissés par des enfants qui ont grandis trop vite mais encore en bon état. Toute la famille passant chez nous, laissait facilement ce qu’elle ne voulait plus ; vous savez comme dans les greniers de famille !
Cela prendra le temps qu’il faudra pour tourner définitivement cette page. Nous essayons de nous ménager, car nous fatiguons très rapidement. Depuis un mois, que de jours ou mes pieds et mes jambes me font souffrir. J’ai beaucoup de mal à marcher. Pour me consoler je me dis : l’exercice aurait été encore plus difficile quelques années plus tard, que les frais seraient devenus de plus en plus lourds et qu'enfin de compte, nous avons fait le bon choix.
Mais en attendant, le dernier tour de clef dans la serrure n’a pas été simple ni pour petit mari et encore moins pour moi. J’en ai vu d’autre, c’est une étape supplémentaire ; la vie continue et nous sommes encore tous les deux.
A la question : Que regretterez-vous de Pralognan la Vanoise, ma réponse est :
Les Barmettes,
Refuge d'altitude où les skieurs se retrouvent le midi devant l'immensité de la nature.
Je recommande à tous ceux qui viennent passer un séjour d'hiver à Pralognan. On y accède après deux voyages en télésiège. A ne pas manquer.
BONNES FETES DE FIN D’ANNEE A TOUS.
Adieu Pralognan la Vanoise